Par Claude Genest - Collaboration spéciale
Grand défenseur de la mémoire du curé Joseph-David Déziel (1806-1882), feu Mgr Loïc Bernard (1933-2018) me fit comprendre il y a plus de 25 ans l’importance de Déziel au niveau de la mise en place d’une vie associative riche et diversifiée pour une localité. Pour Bernard, il ne faisait pas de doute que le fondateur de Lévis a encouragé la mise en place de tout un réseau associatif, social, économique et culturel. Bref, de favoriser l’engagement des gens au sein de leur communauté est un facteur, non seulement, de prospérité, mais aussi d’inclusion sociale.
Activité ancestrale s’il en est une, la pratique de la raquette n’échappe pas au phénomène de l’association et la ville de Lévis du 19e siècle compte sur des clubs de raquettes, dont le Voltigeur et le Levis Snow Shoe Club. Fondé officiellement en décembre 1885 dans un bâtiment sur la côte du Passage, le club Voltigeur a pour premier président François-Xavier Bertrand et compte une cinquantaine de membres. Puisant dans l’histoire nationale, le nom rappelle les Voltigeurs du colonel de Salaberry qui se sont illustrés lors de la Guerre de 1812. On confie au poète Louis-Honoré Fréchette la rédaction des paroles d’un chant spécifique au club qui débute ainsi :
«Sur la neige étincelante
Avançons rapidement (bis)
Allons, troupe diligente, Voltigeurs, vite en avant».
Mais c’est le dévoilement d’un drapeau propre au groupe qui sera le prétexte à une des plus mémorables manifestations publiques des raquetteurs lévisiens, le mardi 11 janvier 1887. La présentation de l’étendard en soie, œuvre des religieuses de Jésus-Marie, est l’occasion d’organiser une «marche aux flambeaux» qui débute au local du club sur la rue Eden (aujourd’hui l’avenue Bégin). Préparée de longue date, la fête regroupe 700 raquetteurs provenant de divers endroits, tels que Québec, Fraserville (Rivière-du-Loup), Saint-Hyacinthe, et même de l’Ontario avec des invités venus d’Ottawa.
Le Quotidien de Lévis s’y attarde longuement dans son édition du lendemain et Pierre-Georges Roy aussi dans ses Glanures lévisiennes. Comme le raconte ce dernier, l’heure est à la fête et «les raquetteurs aux divers costumes qui défilaient sous les yeux de la foule massée dans les rues, les morceaux de musique exécutés par les différentes fanfares, les sonneries de clairons, les roulements de tambours donnaient à cette procession un aspect étrange qui excitait l’admiration de tous». Cette marche festive se termine par un repas bien mérité et bien arrosé au «camp des Ingénieurs», non loin du fort numéro 1 à Lauzon.
Chose intéressante, la réputation du club Voltigeur dépasse les frontières lévisiennes. L’historien Jean Provencher raconte une visite du club dans la Métropole le 12 février 1899 dans un article intitulé Les raquetteurs de Lévis à Montréal publié en ligne. Il cite un article du journal La Patrie, dans lequel on affirme que «le club de raquettes Le Voltigeur de Lévis [est] le plus beau club du genre qu’il y eut dans la province de Québec et nous pouvons dire dans le Canada tout entier». Commentaire pour le moins éloquent qui témoigne de la renommée de cette association sportive lévisienne. Honneur donc à la mémoire de nos anciens raquetteurs.
Cent trente-six ans plus tard, reste-t-il encore un drapeau du club Voltigeur quelque part à Lévis?