Par Claude Genest - Collaboration spéciale
On compte 253 baptêmes en 1900 dans la paroisse Notre-Dame de Lévis. Parmi ces bébés, certains vivront des vies plus ou moins longues. Mais prenons l’exemple d’un petit être qui grandira et aura une vie de 70 ans. Tout d’abord, il vient au monde dans un Lévis stagnant et nostalgique.
En effet, ses parents ont sans doute entendu parler de ce que l’on a appelé l’âge d’or de Lévis, soit une courte période de développement rapide qui a suivi la naissance de la ville en 1861. Or, le contexte a changé depuis et le siècle qui se termine et le nouveau qui se pointe à l’horizon est, à ce moment, plus difficile au niveau économique et ses parents assistent, entres autres, à la liquidation de l’usine Carrier-Lainé en 1908, jadis un fleuron de la ville.
Malgré une certaine morosité ambiante, la Rive-Sud voit tout de même l’implantation d’un système de tramway moderne en 1902 qui se rend jusqu’à Saint-Romuald, jumelé à un ascenseur qui relie la haute et la basse ville de Lévis.
Les années 1910 ne seront pas de tout repos. Le 5 décembre 1910, le fameux ascenseur est emporté par les flammes et cette destruction n’est rien en comparaison aux terribles tragédies qui marquent la construction du pont de Québec en 1907 et 1916 de même que le naufrage du Titanic en 1912 au large de Terre-Neuve.
Au niveau mondial, cette décennie voit l’Europe se déchirer dans un conflit sans précédent lors de la Grande Guerre de 1914-1918 auquel le Canada participe et qui se répercute jusqu’ici avec les fortifications de défenses côtières de la Pointe-de-la-Martinière, de Beaumont, sans compter la fameuse conscription militaire. Rendant son dernier soupir, la guerre est suivie de la galopante pandémie de grippe espagnole qui fauche de nombreuses vies en octobre 1918, à Lévis comme ailleurs.
Notre bébé né en 1900 devient adulte lors des années 1920 marquées par une première crise économique en 1920-1921 et qui sera suivie par la Grande Dépression des années 1930 qui marquera toute une génération de personnes. Notre adulte peut tout de même se consoler avec la signature du pacte Briand-Kellog le 27 août 1928 qui rend en principe la guerre hors la loi. Ce timide fuseau de paix est rapidement ébranlé avec la montée du nazisme en Allemagne qui déclenche une deuxième guerre mondiale en 1939 qui sera, chose impensable, pire que la première. Notre personne rendue à la force de l’âge suit sans doute ce conflit par l’entremise des journaux et de la radio. Quoi qu’il en soit, la guerre se termine en 1945 avec l’explosion des deux bombes atomiques au Japon.
L’après-guerre voit une période plus prospère s’installer en Amérique le tout sous l’emprise de la menace nucléaire, du rideau de fer, de la guerre froide et des innovations technologiques comme la télévision. Des changements sociaux et culturels se profilent qui culmineront au Québec par la Révolution tranquille des années 1960 et la baisse graduelle de la pratique religieuse. La dernière année de notre bébé fictif né en 1900 se conclut avec un bond technologique impensable lorsque l’astronaute Neil Armstrong dépose ses bottes sur le sol lunaire en juillet 1969. Ainsi s’achève une vie où comme pour chaque génération, notre bébé devenu vieux aura vu toute une panoplie d’événements, tout comme nous aujourd’hui.